La nuit très loin des forêts…

le 27/03/2010 à 02h 32min 23s

Parce que d’accord, d’accord, oui c’est vrai, c’est vrai que je l’ai oublié l’élan, l’élan même du souvenir perdu, camarade, je l’ai oublié, bel et bien si bien qu’il faudrait tellement de terre pour l’enterrer que le monde ne suffirait pas, que tous les sables de ton imagination ne parviendrait pas à l’engloutir, c’est qu’il est parti comme une brise de printemps, par la fenêtre, la fenêtre ouverte camarade, juste au dessus du chauffage éteint par les cris, les horribles cris, camarade, de la nuit, la grande nuit, qui noircit les petites parcelles de cœur des enfants, la grande nuit, camarade, comme celle où tu es parti en la laissant définitivement derrière toi, tu te souviens de cette nuit, camarade, les étoiles, le ciel dégagé, camarade, tu te souviens de tout comme moi je me souviens camarade, tu te souviens des détails des détails, tu te rappelles de comment ses yeux, ces yeux, camarade, comment qu’ils brillaient ces yeux, tu te souviens et nous étions comme accrochés et le souffle du vent nous portait tranquillement tandis qu’en bas, dans les profondeurs de la rivière, la nuit, camarade, rappelait ses derniers rejetons, ça grouillait camarade, comme une caresse baveuse, mais nous planions dans le bleu profond des ténèbres cristallines sous le regard doux de la lune noir, je me souviens camarade, je me rappelle les détails des détails, et je te dis les yeux bien en face de ta bouche que je n’en ai pas oublié une miette, non, camarade, et ce que ma tête, mon cerveau, mes cellules grises n’ont pu retenir, et bien tout cela camarade, mon cœur, mon sang, l’ont retenu bien mieux, après tout qu’importe la couleur de sa robe dans l’uniformité de la nuit, je me souviens seulement de son air, je transpirais dans tant de liberté, c’était comme si j’étais collé contre un radiateur en plein été et je voyais des couleurs comme je n’en avais encore jamais vues briller partout, à travers le filtre, mais quel filtre camarade, de ses yeux, mais quels yeux camarades, deux minuscules choses, camarade, et quand j’y repense et que ces yeux se rallument au fond de moi, je me demande, je ne me peux m’empêcher de me demander, camarade, comment on peut faire passer tant de choses par des ouvertures aussi petites, tu sais, camarade, au lieu de te parler de cette nuit, je pourrais peut-être, camarade, te parler uniquement de ces yeux, et en t’en parlant, je finirai, à n’en point douter par te parler de cette nuit, car c’est dans ces yeux, camarade, qu’absolument tout s’est passé, que l’éclat de la lune s’est mis à vaciller sous l’intensité de son regard, est-ce que je t’ai dit camarade, est-ce que je t’ai dis comment elle a su éteindre le monde …

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